"Derrière nos gabions*, nous avons commencé à faire les cent pas, le cache-nez autour du cou, la couverture sur le dos, causant avec les sous-officiers de la section voisine, parlant de la guerre qui dure, et de ce que nous ferions si nous étions chez nous.
Grâce à quelques plaisanteries de l'ami Oudin, un charmant camarade, représentant la maison de champagne Devaux d'Epernay, la causette n'a pas dégénéré en conversation funèbre, et nous sommes restés gais jusqu'à l'heure de la relève.
Je ne t'ai pas encore parlé de l'ami Oudin, un barbu plein de gaieté, qui n'aspire qu'à la paix pour épouser Marguerite, sa fiancée, dont il s'entretient souvent avec moi. Il a même tellement insisté qu'il a réussi à me faire accoucher d'un quatrain à son intention.
Je l'ai écrit, en pensant à toi ; d'ailleurs, il peut s'appliquer à beaucoup ; il n'y a qu'à changer le nom : le voici du reste, autant que je me le rappelle :
Je l'ai écrit, en pensant à toi ; d'ailleurs, il peut s'appliquer à beaucoup ; il n'y a qu'à changer le nom : le voici du reste, autant que je me le rappelle :
L'automne a mis en nous la rouille de ses teintes
Ma Delphine, et ce soir, graves, nous devisons,
Songeant à la Très Belle, aux chers billets qui sont
Comme un prolongement des ferventes étreintes !
Pour Oudin, j'ai mis Marguerite, et tout le monde est content."
* Gabions : voir 18 décembre 1914
N.D.R.L. Dans cette lettre, Louis Pergaud se décrit "le cache-nez autour du cou". Il l'avait également sur sa dernière photo que vous pouvez retrouver sur le site "La Grande Guerre de Verdun à Nancy" parmi d'autres personnalités disparues lors de ce conflit.