" Depuis notre nuit sous le pont*, cela n'est pas mal allé. Nous avons eu malheureusement le dégel. De la boue et de la boue ! Le clair de lune rendait difficile la relève qui s'est pourtant effectuée sans coup de fusils. Nous avons débuté par une rafale de pluie et de grêle qui nous a transis et, après, jusqu'au jour, on a pataugé là-dedans. J'ai dormi dans un abri dans lequel je ne pouvais me tenir que couché ou sur la flanc. Impossible de se lever et de sortir de son trou sans risquer de recevoir une balle dans ce mauvais coin de tranchée pris d'enfilade par les Boches. C'est long dix heures sans bouger, sans pisser, sans se lever ! Les hommes avaient les pieds glacés. Avec ça un clair de lune extraordinaire et les feux des mitrailleuses ennemies. Heureusement, pour la relève, la lune s'est voilée et nous n'avons pas été trop mitraillés."
* Le 25 décembre Pergaud écrit dans son Carnet de guerre :
" ... en route on m'annonce que je prends la garde avec une escouade au Château d'Aulnois. ... nous nous installons sous le pont où est le poste. Des planchers sur pilotis, un brasero, le pont fermé du côté des Eparges, des chaises et des fauteuils de jardin, composent un ensemble assez pittoresque".
Le 26, il écrit :
"Au petit jour je visite mes sentinelles et vais faire un tour dans les ruines du château - beau parc, installation pour tennis et jeux divers - ses murs sont démantelés, plus de planchers, il ne reste guère que les objets en fer dont quelques-uns très beaux, encore tordus par le feu et rongés par la rouille ..."