Notre site a déjà partagé quelques lettres de Louis Pergaud et quelques extraits de son Carnet de Guerre. L'idée est de faire mémoire de ce qu'ont pu vivre nos dix compatriotes morts au cours de la Grande Guerre et des souffrances de ceux qui ont survécu. L'intégralité de ces textes a fait l'objet de plusieurs publications, notamment chez Gallimard.
Les Fêtes se préparent. N'oublions pas ceux qui étaient dans les tranchées il y a cent ans !
Louis Pergaud écrit à son épouse :
"Hier, dans la tranchée, les pattes à moitié dans la boue, je n'ai pas pu t'écrire ; d'ailleurs, l'eussè-je fait, que ma carte n'aurait pas pu partir. J'ai préféré attendre à aujourd'hui où, du fond de ma cave, à la lueur vague d'une bougie, je suis tout de même un peu plus à l'aise pour le faire.
C'est une vie terriblement monotone que nous menons : les jours succèdent aux jours, et les nuits aux nuits ; un peu plus d'eau ou un peu moins, un peu plus de vase ou un peu moins, des marmites qui pleuvent, des balles qui sifflent ..."
Je crois que ma nomination de sous-lieutenant est à l'eau pour cette fois. C'est l'histoire la plus ridicule du monde, et si le capitaine avait été là, j'aurais été sûrement nommé. Le Lieutenant Legouis 1 vient de voir, à ce sujet, le chef de bataillon. Celui-ci répond qu'il est navré, mais que, ne me connaissant pas, il m'a mis de moins bonnes notes qu'aux autres parce que, paraît-il, j'avais été malade au dépôt. Or, au dépôt, jamais je ne me suis fait porter malade, et c'est fort probablement un mauvais tour qu'on a voulu me jouer, qu'on avait quelqu'un à caser là.
Il a dit (le commandant) qu'à la prochaine occasion, il tâcherait de réparer ça et me présenterait. Ca sert à quelque chose de montrer de la force d'âme et de résister à la fatigue pour qu'un saligaud quelconque vienne vous frustrer de ce que l'on vous doit. J'ai eu un petit mouvement de colère en apprenant la chose. Maintenant c'est déjà passé, et j'en ai pris mon parti. Malgré les affirmations du commandant, si, à la fin du mois, je ne suis pas nommé, je refuse toute promotion et je veux rester sergent jusqu'au bout. De toute façon, en rentrant, je n'aurai pas ma plume bridée, et je pourrai dire tout ce que j'ai à dire. Il y a peut être, pour moi, avantage à ce qu'il en soit ainsi ..."
1 - Pierre Legouis fut après la guerre professeur à la Faculté des Lettres de Besançon, puis à celle de Lyon. Il a donné, en 1924, dans la revue bisontine Franche-Comté et Monts-Jura, un intéressant article sur "Pergaud en campagne".
Il a dit (le commandant) qu'à la prochaine occasion, il tâcherait de réparer ça et me présenterait. Ca sert à quelque chose de montrer de la force d'âme et de résister à la fatigue pour qu'un saligaud quelconque vienne vous frustrer de ce que l'on vous doit. J'ai eu un petit mouvement de colère en apprenant la chose. Maintenant c'est déjà passé, et j'en ai pris mon parti. Malgré les affirmations du commandant, si, à la fin du mois, je ne suis pas nommé, je refuse toute promotion et je veux rester sergent jusqu'au bout. De toute façon, en rentrant, je n'aurai pas ma plume bridée, et je pourrai dire tout ce que j'ai à dire. Il y a peut être, pour moi, avantage à ce qu'il en soit ainsi ..."
1 - Pierre Legouis fut après la guerre professeur à la Faculté des Lettres de Besançon, puis à celle de Lyon. Il a donné, en 1924, dans la revue bisontine Franche-Comté et Monts-Jura, un intéressant article sur "Pergaud en campagne".