" ... Un de tes projets m'enchante. C'est celui du réchaud à alcool solidifié. Rien ne me sera plus agréable que de faire, dans la tranchée, grâce à l'essence de café, l'eau de mon bidon, le sucre et le lait, une tasse de café bouillant. Je ne sais si Persky 1 m'expédiera ma "Thermos" qui serait bien pratique aussi. En attendant ça peut aller.
Le système des sacs de couchage ne me paraît pas extrêmement pratique. Un bon sac ordinaire remplit le même but, surtout quand on a, comme moi, la toile cirée" pour le doubler. Il paraît, d'ailleurs, que nous allons toucher des peaux de mouton pour mettre dans la tranchée. De la sorte on pourra lutter victorieusement contre le froid.
Est-ce que Martinet 2 est pris ? Je ne le vois guère ici par ce froid de canard auquel nous sommes préparés par plusieurs mois d'entraînement, de fatigues et de privations.
Je dors maintenant sur la terre, avec un peu de paille, aussi bien que dans un lit. Il suffit qu'on ne sente pas trop le froid pour être heureux ... Grâce à toi, grâce aux gâteries de nos amis, j'ai à manger plus qu'à mon saoul et ne suis pas trop à plaindre...
... Je n'ai pas bien compris l'insistance de Thérèse à te faire assister à une messe. Il y a là un manque de tact qui me choque légèrement. Je sais qu'à l'heure actuelle le parti réactionnaire use de tous les moyens pour ramener "les égarés" dans son giron. La pauvre ne serait-elle qu'un instrument aux mains de son confesseur ? Nous avons vu ici des choses de ce genre et je ne crois pas que la guerre mettra fin aux querelles politiques.
Et voilà mon cricri gentil, que j'ai déjà rempli quatre pages sans évoquer notre gentil petit intérieur où, la guerre finie, il fera si bon vivre à deux, à trois, car il ne faut pas oublier gros Mitou qui doit être resté bien gentil et bien dodu ; mais reconnaîtra-t-il son petit père quand il le reverra chevronné, peut être galonné, et vaguement barbu, car je ne me suis pas rasé depuis le début de la campagne. Cela ne veut pas dire que j'aie un bouc de sapeur ; quelques poils noirs de quelques centimètres prolongent mon menton qu'ils dissimulent mal et ne me changent pas beaucoup ...
1 - Serge Persky, écrivain et traducteur d'oeuvres russes. Il avait confié quelques traductions à Louis Pergaud. A la déclaration de guerre, Serge Persky devait 32 heures de travail à Louis Pergaud. Delphine avait dû les lui réclamer.
2 - Marcel Martinet, écrivain, ami de Louis Pergaud
1 - Serge Persky, écrivain et traducteur d'oeuvres russes. Il avait confié quelques traductions à Louis Pergaud. A la déclaration de guerre, Serge Persky devait 32 heures de travail à Louis Pergaud. Delphine avait dû les lui réclamer.
2 - Marcel Martinet, écrivain, ami de Louis Pergaud