"Ce matin, je me suis engagé un instant dans les bois qui entourent le camp, pour écouter, comme je le faisais les années d'avant, les geais se rassembler et piauler. Ah ! les bonnes journées de Landresse où je retrouvais en arrivant la soupe chaude, un bon feu et ton sourire !
Un ramier m'a fait l'honneur de se poser sur un chêne au-dessus de ma tête. Il a regardé et écouté longuement, et puis, prrt ! mon pantalon rouge qu'il a dû entrevoir à travers les branches ne lui a pas inspiré confiance, et il est parti dans un fracas épouvantable. Là-dessus, je suis rentré au camp où nous menons depuis deux ou trois jours une existence un peu de paresseux. Nous y sommes isolés, mais choyés tout de même par le major et le colonel comme de grands gosses qui ont beaucoup souffert, éprouvés de lourdes pertes, et à qui on ne refuse rien, sauf l'interdiction de communiquer avec le reste du monde. Tous les jours nous avons un quart ou un demi-litre de vin, quelque-fois de l'eau-de-vie et un casse-croûte supplémentaire de sardine, pâté ou autre comestible qu'on peut trouver à la cantine. Chaque jour, une corvée s'en va et par derrière achète ce qu'on peut acheter : conserves ou chocolat : conserves pas très bonnes et chocolat médiocre. Ce qui manque le plus c'est le sucre et aussi les pommes de terre qui pourtant remplaceraient avantageusement le riz dont on nous sature depuis quelque temps ...
Le ciel est brumeux et le canon s'est tu. Les jours monotonement s'enchaînent. Quand verrons-nous la fin de cette campagne ? ..."