Il y a 67 ans !
Voici les extraits des Bulletins Paroissiaux qui racontent ces évènements.
Bulletin Paroissial de juillet 1946
Evénements de Septembre 1944 (du 5 au 9)
- L'avance vers le Nord de l'armée Franco-Américaine, débarquée le 15 août 1944, sur les côtes de la Méditerranée, s'est faite par bonds impressionnants.
Alors que l'ennemi en déroute tentait de regagner ses frontières, il incomba à l'armée française régulière et aux forces françaises de l'Intérieur (F.F.I.), de lui barrer sa route de retraite.
Dans ce but, un groupement tactique, comprenant tirailleurs, cavaliers blindés et artilleurs arrive d'Ornans à Baume-les-Dames. Le déplacement se fait de nuit et avec précaution, car le Valdahon est encore occupé par des forces allemandes importantes. Vers trois heures du matin, le mardi 5 septembre, les approches de Baume sont atteintes. Les cloches sonnent alors à toute volée dans les villages traversés par les soldats français : on les entend très nettement de Voillans et d'Autechaux et on se demande ce que cela signifie.
A Baume-les-Dames, il faut franchir un pont gardé par un poste allemand. Les tanks légers, garnis de soldats, s'engouffrent à toute vitesse sur le pont, écrasant le poste ennemi. Ce premier assaut donne l'éveil, deux blindés allemands s'avancent. Le combat s'engage ; les français sont victorieux. En hâte, notre artillerie est mise en position dans les promenades. Sur la route Besançon-Baume, un convoi de camions est aussitôt pris à partie. Passe aussitôt après un train chargé de troupes et de matériel ; il est pulvérisé, ce qui provoque la rage des Allemands. (Plus tard les survivants de ce train passeront harassés et noircis par Autechaux et Voillans). Des combats s'engagent dans les rues de Baume où les F.F.I. se font remarquer par leur courage. Mais les Boches se reprennent : des renforts leur arrivent. Les nôtres sont obligés de céder du terrain et de se mettre à l'abri derrière le Doubs. Des F.F.I. de la région sont tués : ceux qui sont faits prisonniers sont fusillés sauvagement, car les Boches les traitent comme des terroristes. Les maisons brûlent par représailles.
Bulletin Paroissial d'août - septembre 1946
- La bataille de Baume-les-Dames dure du mardi matin au samedi. Mardi : combat entre les F.F.I. et les Allemands (voir Bulletin du mois de juillet 1946). - Mercredi 6 septembre : les chars allemands "Tigres" sillonnent la ville et allument des incendies. - Jeudi 7 : bombardement par l'artillerie alliée. - Vendredi 8 : une patrouille canadienne entre à Baume, puis doit se retirer ; bombardement intense pendant la nuit du 8 au 9 ; les Allemands se replient . Samedi 9 : les Américains venant de Besançon occupent Baume. Le bilan de cette bataille est le suivant : 40 morts, 15 blessés, 52 immeubles complètement détruits, 300 immeubles gravement endommagés.
Baume-les-Dames prise, les blindés américains se lancent à l'assaut de la Boussenotte. Cette côte est très difficile à enlever, car les Allemands s'y sont fortement retranchés. Après cinq heures de lutte, les Américains arrivent à la Vierge de la Boussenotte.
Baume-les-Dames est donc définitivement libérée ; il reste maintenant à prendre Autechaux où se trouvent les batteries allemandes.
Les Américains veulent encercler le village. A cet effet, un groupe de soldats américains et une batterie d'artillerie arrivent derrière le Fahys. Les canons tirent sur Autechaux, alors que les tanks se ruent sur ce village. Les Allemands craignant de se voir encercler, quittent Autechaux et se replient sur Mesandans et Vergranne. Autechaux est libéré. C'est le samedi 9 Septembre, à 6 h. 1/2 du soir.
A cette heure, on sonne la cloche pour annoncer la grande nouvelle de la libération si attendue. Aussitôt, les habitants réfugiés aux Prés-des-Bois s'organisent pour revenir dans leurs maisons, tout en se demandant dans quel état ils les trouveront. (Il faut dire que, durant la journée du vendredi, la presque totalité des habitants d'Autechaux durent évacuer leur village ; il ne restait que quatre femmes dans les caves du château). En même temps, les réfugiés d'Autechaux, qui se trouvaient à Voillans, plusieurs hommes de Voillans, des jeunes gens avec leur curé, partent à Autechaux pour se rendre compte de la situation et des dégâts.
Qu'il faisait bon, ce soir-là, aller à pied à Autechaux constater, dès le sommet de la côte de Champraye, que l'église était intacte et que les maisons tenaient encore debout, de saluer au passage les groupes de soldats américains, d'arriver un des premiers à Autechaux et d'y accueillir les habitants qui revenaient les uns après les autres.
* Le Canton = Le Canton Berçot se situait là où passe maintenant l'autoroute A 36 un peu avant la Grange Certier, entre Les Planchottes Lambert et la ferme des Glauderey près du Bois de la Charme. Ces lieux dits feront l'objet de prochains messages sur le site.
Bulletin Paroissial de novembre 1946
- Autechaux a souffert de la guerre. Durant toute la bataille de Baume-les-Dames, les canons allemands y étaient installés sur la route nationale et au centre du pays trois tanks de cinquante tonnes s'y trouvaient également. Les Américains, arrivés sur les hauteurs dominant le versant opposé de la vallée du Doubs, réglaient naturellement le tir de leurs canons sur les emplacements des batteries et des tanks allemands. Pendant trois jours, Autechaux fut bombardé. Les habitants de Voillans pouvaient assister à ce terrible spectacle du haut des montagnes d'Hyèvre. La plupart des habitants d'Autechaux, réfugiés au Prés-des-Bois, entendaient avec inquiétude l'éclatement aigu des obus et même, le samedi matin, ils entendirent les obus siffler et éclater à proximité d'eux, car les Américains allongeaient leur tir. Là, aux Prés-des-Bois, il y eut bien des pleurs, mais il y eut surtout beaucoup d'ardentes prières qui obtinrent de la divine Providence qu'il n'y eut aucun mort ni aucun blessé parmi la population d'Autechaux et que les dégâts matériels fussent relativement assez restreints vu le grand nombre d'obus qui tombèrent.
Aussi après un bombardement aussi intense, Autechaux aurait dû être entièrement démoli. Heureusement il n'en fut rien. Plusieurs maisons eurent de grands dégâts, mais ne furent pas pour autant inhabitables ; ce furent les quatre maisons de la route nationale et, au centre du pays celles de chez Henri Lomont et de chez Armand Barrand et la cure. Beaucoup de toits furent éventrés. Il y eut également beaucoup,de tuiles et de vitres cassées et plusieurs vaches furent tuées dans les pâtures. La Maison de Dieu fut épargnée ; seuls les vitraux subirent des dégâts assez importants dus à la déflagration produites par l'explosion des obus à proximité ; ils furent d'ailleurs réparés quelques semaines plus tard.
Il était donc manifeste que la Sainte Vierge et Saint Germain, patron de la paroisse, avaient obtenu de Dieu qu'Autechaux ne subisse qu'un minimum de dégâts, alors qu'il aurait pu être anéanti comme tant de village de France. La Sainte Vierge a certainement été touchée par la piété de presque toute la population qui assista aux Vêpres et à la procession du 15 Août précédent et qui chanta de toute son âme le "Magnificat" devant le reposoir de la Vierge, alors que la nouvelle du débarquement allié sur les côtes de la Méditerranée, venait d'être annoncée et qu'on pouvait déjà craindre, pour plus tard les batailles dans notre région. La Sainte Vierge a été également touchée par les nombreuses messe qui furent données collectivement par toutes les familles pour lui demander qu'Elle protège Autechaux, et par les nombreuses dizaines de chapelet qui furent dites par les habitants durant le bombardement d'Autechaux.
Et les habitants d'Autechaux ont témoigné leur reconnaissance à Marie en faisant dire vingt messe d'action de grâce en son honneur et en assistant presque tous à une cérémonie d'action de grâce qui se fit, le lendemain dimanche, en l'église d'Autechaux. Dans ces tragiques circonstances, les habitants d'Autechaux ont su vraiment manifester leur foi comme il convenait.
Bulletin paroissial de décembre 1946 - janvier 1947
- Que devint Voillans durant ces terribles événements ? Il fut préservé, mais ses habitants ne furent pas exempts de peur. En effet, dès le mardi matin, quand on annonça que les colonnes allemandes en repli allaient passer par Voillans, pour éviter la route nationale de Baume-Clerval, qu'ils jugeaient trop dangereuse, beaucoup d'habitants, pris de peur, émigrèrent à la Grange-des-Noyes, aux Planchottes et au Canton*, emportant avec eux leurs plus précieux biens. Ils y en eut même qui se réfugièrent en pleine campagne, dans une baraque hâtivement aménagée. Pendant ce temps, Monsieur le Curé courait à Autechaux, à travers champs,pour enlever le Saint-Sacrement de l'Eglise et pour mettre les ornements et les vases a sacrés plus en sûreté dans les caves du château ; puis il revenait en hâte à Voillans préparer les affaires sacrées de l'église pour les faire transporter aux Planchottes par la dernière voiture qui y allait.
En fait, il ne passa à Voillans que quelques soldats allemands lamentablement harassés, et, à cause de cela, inoffensifs. La première nuit, il ne resta au village que quelques hommes avec leur curé. Peu à peu, les jours suivants, on reprit confiance et on revint petit à petit dans les maisons.
Du mercredi au samedi, l'air était déchiré par les départs des obus allemands à Autechaux, et des obus américains des côtes du Lomont de d'Hyèvre, et par les éclatements stridents de ces mêmes obus américains sur Autechaux.
Bulletin paroissial de février 1947
- La journée de vendredi fut plus critique pour Voillans, car ce jour-là, dans l'après-midi, les Allemands venant du côté de Clerval, mettaient leurs canons en position de tir à l'entrée du village du côté d'Autechaux. Déjà on croyait subir le même sort qu'Autechaux ; et l'exode reprit vers les fermes. Mais ce vendredi-là, c'était le 8 septembre, jour de la Nativité de la Ste Vierge, patronne de la paroisse. Aussi en ce jour de fête paroissiale, la Vierge montra manifestement qu'elle protégeait la paroisse placée sous sa protection. En effet, avant la nuit, sans avoir tiré, les Allemands repartirent du côté de Clerval. Quel soulagement ce fut à leur départ ! Ce repli épargnait au village d'être atteint par les obus américains qui auraient été tirés pour anéantir les batteries allemandes. Merci encore à Marie !
Voillans ne subit aucun dégât. A Voillans comme à Autechaux la Ste Vierge récompensa la piété des paroissiens ; elle récompensa leur pieuse assistance aux offices et à la procession du 15 Août précédent ; et elle se souvint des nombreuses messes qui furent données en son honneur pour attirer la protection divine sur le village.
Le samedi soir, quand Autechaux fut libéré, Voillans se sentit aussi libéré. Mais comme en pareil cas il faut être prudent, et d'autant plus que ce soir-là le village se trouvait entre les Américains et les Allemands, les habitants de Voillans ne furent réellement rassurés sur leur sort que le dimanche dans la journée, alors que les Américains étaient venus installer leurs tanks et leurs canons au-dessus de la côte de Champray. ce dimanche était précisément le dimanche de la fête paroissiale. aussi fut elle dignement et pieusement célébrée puisqu'elle était de plus la fête de la Libération et de la reconnaissance envers la Vierge.
Bulletin de mars 1947
- Après tous ces évènements, les habitants d'Autechaux remirent en état leurs maisons dévastées par les bombardements et saccagées par le Boche. Ceux de Voillans ramenèrent des fermes leurs paquets d'effets et déterrèrent de leur jardin ce qu'ils avaient enfoui de précieux. Pendant ce temps-là, on entendait le grondement du canon qui s'éloignait de plus en plus. On l'entendit néanmoins encore longtemps car le front se stabilisa pendant plus de deux mois de l'autre côté de L'Isle sur le Doubs. Les villages de Voillans et d'Autechaux furent occupés pendant un certain temps par les troupes alliées. Il y eut même des prisonniers allemands à Autechaux, dans la ferme du château ; ces prisonniers travaillaient au dépôt de munitions sis à proximité du village. petit à petit, le calme revint dans la région, et chacun se remit à ses occupations quotidiennes en attendant la paix finale.
Le Canton Berçot : ovale au nord-est |
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Dans les jours qui suivirent le front se stabilisa au nord de la Franche-Comté
Voici le récit écrit d'un jeune garçon de Saint Hippolyte
La Franche Comté fut libérée par l'action combinée de la VII° armée de Patch, de celle du général de Lattre de Tassigny et des divers maquis, en particulier celui du Lomont. Les opérations furent conduites avec décision et célérité jusqu'en septembre 1944 : Besançon libérée le 8 septembre, Vesoul le 12, Luxeuil le 21. Puis le "front" se stabilisa pendant près de deux mois à travers la vallée du Doubs, au sud de Montbéliard. Il fallu les ruses du général de Lattre pour contourner Montbéliard et Belfort, les 17 et 19 novembre, avant de s'élancer en direction de l'Alsace. Ces retards entraînèrent, de part et d'autre, des exactions : le massacre de la population d'Etobon, paisible village de Haute-Saône, rappelle tristement l'exploit d'Oradour.
Malgré les bombardements, malgré le piétinement des opérations en 1944, la Franche-Comté fut moins touchée, matériellement, que d'autres régions de France et put ainsi aborder avec son énergie caractéristique le période de reconstruction et de la croissance économique d'après-guerre.
Extrait de l'ouvrage "Histoire de la Franche-Comté" publié sous la direction de Roland Fiétier (Privat, éditeur) 1977